Arrêtez de vendre des fiches techniques à des Décideurs. Vendez de la souveraineté.

 

📌 Points Clés à Retenir :

 

  • La Malédiction du Savoir : Pourquoi votre expertise technique devient votre pire ennemi face à un décideur non-technique.

  • L’Échelle de Valeur : La différence fondamentale entre être un « fournisseur de briques » (commodité) et un « partenaire de souveraineté » (stratégique).

  • La Matrice de Traduction : Comment transformer une caractéristique technique (le Comment) en bénéfice stratégique (le Pourquoi).

  • Le Langage C-Level : Apprendre à parler « Risque », « Rentabilité » et « Supériorité opérationnelle » plutôt que « Latence » et « Nanomètres ».

  • L’Alignement Stratégique : Le rôle crucial de la Vision pour aligner R&D et Commerce.

Vos ingénieurs sont brillants. Votre R&D est probablement de classe mondiale, repoussant les frontières de la physique ou du code.

Pourtant, lors des présentations cruciales face à des investisseurs ou des grands donneurs d’ordre, le message ne passe pas. Pourquoi ?

Parce que vous vendez de la complexité à des gens qui cherchent de la sécurité.

Cet article décortique ce gap communicationnel fatal aux Deeptechs et vous donne la méthode pour transformer votre « Techno-Push » en une proposition de valeur stratégique irrésistible.

La scène est classique. Douloureuse, mais classique.

 

D’un côté de la table, votre CTO ou votre Directeur Technique. Il est passionné, brillant. Il présente la dernière itération de votre technologie optronique. Il parle de rapport signal/bruit, de dissipation thermique optimisée de 15 % et de modulation de phase.

 

De l’autre côté, un Général de brigade, un Directeur des Investissements ou un PDG du CAC 40. Il hoche la tête poliment. Mais dans ses yeux, le verdict est déjà tombé : « C’est trop compliqué. Je ne comprends pas ce que ça change pour moi. Next. »

 

Le silence qui suit n’est pas de l’admiration. C’est le son d’une opportunité qui se referme.

 

Le problème n’est pas votre technologie. Le problème, c’est que vous essayez de vendre le plan du moteur à quelqu’un qui veut juste arriver à destination avant ses concurrents.

 

Le Diagnostic : La Malédiction de l’Expert

 

Dans l’univers de la Deeptech et de l’industrie de pointe (Cailabs, HGH, Glimps, etc.), il existe un biais cognitif tenace : penser que la complexité est la preuve de la valeur.

 

Pour un ingénieur, la beauté réside dans la prouesse technique. C’est normal, c’est son métier. Mais pour un acheteur stratégique, la complexité est un risque.

 

  • Si c’est complexe, c’est fragile.

  • Si c’est complexe, c’est difficile à maintenir.

  • Si c’est complexe à expliquer, ce sera impossible à vendre en interne à mon propre conseil d’administration.

 

C’est ce qu’on appelle la Malédiction du Savoir. Vous connaissez tellement bien votre produit que vous avez oublié ce que c’est que de ne pas le comprendre. Vous supposez que votre interlocuteur possède le contexte nécessaire pour apprécier la nuance d’une latence réduite de 3 millisecondes.

 

Spoiler : Ce n’est pas le cas.

 

Le risque de la « Commoditisation »

 

Si vous ne parlez que technique, vous serez traité comme un technicien. Et les techniciens sont des fournisseurs. On les met en concurrence sur des tableaux Excel, on négocie leurs prix, et on les remplace si une « brique » moins chère apparaît.

Pour sortir de la case « Fournisseur » et entrer dans la case « Partenaire Stratégique », vous devez changer de langage.

 

La Hiérarchie de la Valeur : Du « Quoi » au « Pourquoi »

 

Imaginez une pyramide. À la base, il y a la Donnée Technique (le « Quoi »). Au milieu, le Bénéfice Fonctionnel (le « Ce que ça fait »). Au sommet, la Valeur Stratégique (le « Pourquoi ça compte »).

 

La plupart des entreprises technologiques passent 90 % de leur temps de présentation à la base de la pyramide. Les décideurs, eux, vivent au sommet.

 

Prenons un exemple concret pour illustrer ce glissement nécessaire.

 

Cas Pratique : La Communication Laser Spatiale

 

Niveau 1 : Le discours « Techno-Push » (Ce que vous dites souvent)

 

« Notre solution utilise une optique adaptative propriétaire capable de corriger les perturbations atmosphériques en temps réel avec une bande passante de 10 Gbps et un taux d’erreur binaire inférieur à 10^-9. »

 

Réaction du Général : « C’est bien. Mais est-ce que ça marche quand il pleut ? »

 

 

Niveau 2 : Le discours « Fonctionnel » (Un progrès)

 

« Notre terminal permet de transmettre des images satellites haute définition vers le sol 10 fois plus vite que les ondes radio actuelles, sans perte de données, quelles que soient les conditions météo. »

 

Réaction du Général : « Intéressant. On gagne du temps. »

 

Niveau 3 : Le discours « Stratégique » (Ce que vous devez dire)

 

« Nous garantissons la souveraineté de vos données. Notre technologie rend l’interception et le brouillage physiquement impossibles par une puissance étrangère, tout en vous donnant un avantage décisionnel de 24h sur l’ennemi grâce à la récupération instantanée du renseignement. »

 

Réaction du Général : « Où est-ce que je signe ? »

 

Vous voyez la différence ? Dans le dernier cas, on ne vend plus des photons ou de la fibre optique. On vend de la Souveraineté, de la Sécurité et de la Supériorité.

 

Comment construire votre Traducteur Stratégique ?

 

Passer du niveau 1 au niveau 3 ne s’improvise pas. Cela demande de déconstruire votre offre pour la reconstruire autour des enjeux du client. C’est ici que la notion de Vision entre en jeu.

 

Voici une méthode simple pour vos équipes marketing et commerciales.

 

1. Identifiez la « Douleur » du C-Level

 

Un PDG ou un chef militaire a des problèmes très spécifiques qui l’empêchent de dormir. Ce ne sont jamais des problèmes techniques. Ce sont des problèmes de :

 

  • Risque : « Vais-je me faire hacker ? » « Vais-je subir une rupture de chaîne logistique ? »

  • Croissance / Temps : « Mes concurrents vont-ils sortir leur produit avant moi ? »

  • Réputation : « Mon image est-elle en danger ? »

  • Indépendance : « Suis-je dépendant d’un fournisseur américain ou chinois ? »

 

2. Faites le lien (Le « So What? »)

 

Pour chaque caractéristique technique de votre produit, posez-vous la question : « Et alors ? » (So what?). Répétez la question jusqu’à toucher un enjeu stratégique.

 

  • Caractéristique : « Algorithme de maintenance prédictive par IA. »

  • So what ? -> « On détecte les pannes avant qu’elles n’arrivent. »

  • So what ? -> « On supprime les arrêts de production imprévus. »

  • So what ? -> « Nous sécurisons votre chiffre d’affaires annuel en garantissant une disponibilité de 99,9% de votre outil industriel. »

 

3. Adaptez le vocabulaire

 

Bannissez le jargon interne. Utilisez les mots-clés de votre cible.

 

  • Au lieu de « Robustesse », parlez de « Résilience opérationnelle ».

  • Au lieu de « Vitesse », parlez de « Time-to-market ».

  • Au lieu de « Cryptage », parlez de « Confiance numérique ».

 

La valorisation par la Clarté

 

Il y a un effet secondaire bénéfique à cet exercice de traduction : la valorisation financière.

 

Une entreprise qui vend de la « technologie » est évaluée sur des multiples d’EBITDA classiques. Une entreprise qui vend une « Vision » ou une « Transformation stratégique » est évaluée sur son potentiel futur.

 

Regardez le marché. Les startups qui lèvent le plus de fonds ne sont pas toujours celles qui ont la meilleure techno (même si c’est nécessaire). Ce sont celles qui ont la meilleure histoire. Celles qui ont su expliquer pourquoi leur technologie allait changer le monde, ou du moins, changer radicalement le business model de leurs clients.

 

Si vous êtes incapables de vulgariser votre offre sans la dénaturer, c’est que votre positionnement n’est pas clair. Comme le disait Boileau : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. » Si votre pitch est brumeux, votre stratégie l’est aussi.

 

Conclusion : Devenez le copilote, pas le mécanicien

 

Vos clients n’achètent pas votre produit pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il leur permet de devenir.

 

Pour les Deeptechs et les industries de pointe, le défi des dix prochaines années ne sera pas seulement technologique. Il sera narratif. La complexité du monde augmente. Les décideurs sont noyés sous l’information. Celui qui gagne est celui qui apporte de la clarté et du sens.

 

Ne demandez plus à vos ingénieurs de simplifier « bêtement ». Demandez-leur de s’élever. De comprendre l’impact final de leur travail. C’est ainsi que l’on passe du statut de vendeur de fiches techniques à celui de partenaire indispensable.

 

 

La Passerelle Stratégique

 

Avez-vous l’impression que le fossé se creuse entre la puissance de votre R&D et la perception de vos clients ? Votre discours commercial est-il toujours bloqué en mode « Techno-Push » ?

 

C’est précisément pour résoudre cette dissonance que nous avons créé Le Compas Stratégique.

 

Il ne s’agit pas d’une simple réunion de brainstorming. C’est un processus structuré qui aligne votre vision, votre mission et votre réalité opérationnelle pour forger un discours de marque indéboulonnable. Le Compas est l’outil qui traduit votre complexité technique en évidence stratégique pour vos investisseurs et clients.

 

Arrêtez de laisser votre valeur se perdre dans la traduction.

 

A propos de l'auteur

Philippe Rigault

Philippe est le Président Fondateur d'Autour de l’Image. Après 15 ans en logistique (DHL) et cabinet de conseil en stratégie, il fonde l'agence en 2007 pour les PME et ETI. Son approche unique : il ne fait pas que de la communication ; il bâtit la croissance. Philippe transpose la rigueur opérationnelle de la logistique au service de la stratégie B2B. Il accompagne les dirigeants pour transformer leur vision en une machine de croissance rentable. Son objectif : garantir que le marketing (digital, content, marque) soit un investissement. Pour cela, il s'appuie sur la méthodologie du "Compas Stratégique" qu'il a développée au sein d'Autour de l'Image.

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